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vérités de leur purgatoire et décorer d’illusions, leur indigence et leur écrasement.

IV

QUE contenait encore le nom du voyage ? Qu’y avait-il dans cette boîte de Pandore ?

La liberté, le désintéressement, l’aventure, la plénitude, tout ce qui faisait défaut à tant de malheureux et n’était possédé qu’en rêve, comme les femmes par les adolescents catholiques. Il contenait la paix, la joie, l’approbation du monde, le contentement de soi-même.

On faisait un sort à des exemples devenus vénérables, Stevenson, Gauguin, Rimbaud, Rupert Brooke. Beaucoup d’écrivains étaient employés dans la diplomatie, et le nombre et la vitesse des trains internationaux, le développement des lignes de navigation mettaient le déplacement à la portée de tous.

Les Parisiens sédentaires comme des moules se sentaient émus par les affiches du P.-L.-M., par les sifflets des trains sous le pont de l’Europe comme les courtisans de Louis XVI par un bêlement de mouton et un tableau de Watteau : ils pensaient à des voyages comme les habitants du xviiiesiècle étaient malades du désir de la campagne, des archipels bienheureux et allaient à Ermenonville lire les écrits champêtres de Rousseau.

Nous possédons une tradition rarement interrompue de l’espace géographique, favorisée par les expéditions maritimes et que le développement républicain de l’instruction gratuite et obligatoire a contribué à rendre populaire. Tous les instituteurs encouragent à l’amour des pays étrangers. Cette tradition est