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elles font encore bon usage. Ils sont bonhommes, ils disent que la vérité s’attrape au vol comme un oiseau naïf. Ils lancent des messages sur la paix et la guerre, sur l’avenir de la démocratie, sur la justice et la création de Dieu, sur la relativité, la sérénité et la vie spirituelle. Ils composent des vocabulaires, parce qu’ils ont découvert tous ensemble une proposition importante : les problèmes n’existeront plus quand les termes en seront convenablement définis. Alors, ils tomberont en poussière : ni vu ni connu, les poser sera les résoudre. Les philosophes seront simplement les chiens de garde du vocabulaire et les historiens de ce Moyen âge où les mots avaient plusieurs sens. En attendant, ils apprennent à mettre de côté les pensées dangereuses pour le jour où leurs poisons seront évaporés : la raison a le temps, elle les retrouvera à son heure qui ne coïncide pas avec l’heure des hommes.

Ils font ainsi de la philosophie, qui demande en somme assez de propreté et de soins pour qu’il soit honorable d’y consacrer des vies soustraites à la comptabilité et à la société de Jésus.

Et quel langage ! Ils montrent tant de bons tours, de proverbes, de figures que je ne sais même plus si, à force de silences avertis par les métaphores du sommeil, d’entretiens avec les passants attardés sur les places, dans les casernes, les débits, les usines, je retrouverai le sens des paroles droites et des simples inventions des hommes.

Parmi eux un grand penseur : Léon Brunschwicg. Cachant mieux son jeu, avec plus d’as dans ses manchettes. Une précision d’horloger des pensées, une adresse relevant de l’art de l’illusionniste faisaient d’abord croire à un philosophe : mais on ne trouvait à la fin qu’un Robert Houdin qu’on pouvait mesurer, de qui on pouvait compter les mensonges. Ce petit revendeur de sophismes avait un physique de vieux