Page:Europe, revue mensuelle, No 93, 1930-09-15.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croyait y voir le commencement de la fin, de la vraie fin, et non de celle qui est le commencement d’un commencement. Devant des transformations épuisantes dont un nombre infime de témoins s’efforçait de découvrir la clef, on pouvait simplement apercevoir que la confusion conduisait à la belle mort de ce qui existait. Tout ressemblait au désordre qui conclut les maladies : avant la mort qui se charge de rendre tous les corps invisibles, l’unité de la chair se dissipe, chaque partie dans cette multiplication tire dans son sens. Cela finit par la pourriture sans défense.

Alors très peu d’hommes se sentaient assez clairvoyants pour débrouiller les forces déjà à l’œuvre derrière les grands débris pourrissants.

On ne savait rien de ce qu’il eût fallu savoir : la culture était trop compliquée pour permettre de comprendre autre chose que les rides de la surface. Elle se consumait en subtilités dans un monde rangé de raisons et presque tous ses professionnels étaient incapables d’épeler les textes qu’ils commentaient. L’erreur est toujours moins simple que le vrai.

On avait besoin d’A. B. C. composés de ce qu’il y avait réellement d’important. Mais au lieu d’apprendre à lire, ceux qu’un tourment sincère empêchait quelquefois de dormir, imaginaient des conclusions qui reposaient toutes sur l’étude des décadences comparées : conclusions par l’invasion des barbares, le triomphe des machines, les visions à Pathmos, les recours à Genève et à Dieu. Comme tout le monde était intelligent !

Mais ces malins avaient la vue trop basse pour regarder par-dessus leurs lunettes plus loin que les naufrages. Et les jeunes gens avaient confiance en eux.

Condamnations sans appels, sentences impératives : « vous allez mourir ». Les gens de mon âge, empêchés de reprendre haleine, oppressés comme des