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chez Gallopin ou à l’Omnium une histoire inepte sur la hausse des métaux, et que les rentes fichent le camp parce que le premier imbécile venu est plein de secrets sur la chute imminente du ministère ! Tout le marché repose sur des racontars de concierge : comment veux-tu qu’il y ait une science de la Conciergerie ?

On voyait rarement Marie-Anne depuis qu’elle avait épousé un industriel qui vivait au Caire. Ce mariage avait été vraiment toute une aventure, la famille n’en était pas encore revenue et elle ne savait pas si finalement c’était un événement flatteur ou simplement singulier. Demetrios était grec ; heureusement, il descendait d’une de ces vieilles familles françaises qui n’ont pas bougé des Cyclades depuis les grands brassages méditerranéens de l’Empire et des guerres romantiques pour l’indépendance de la Grèce, et il était parent de ces barons de Lastic dont les dernières héritières vivent encore vêtues d’éternelles robes de laine noire sous les cyprès et les oliviers de l’île d’Ariane en attendant que leurs filles qui apprennent le français chez les Ursulines de Naxia, aient achevé leurs études démodées. Marie-Anne qui avait épousé son mari parce qu’elle l’aimait venait deux mois en hiver à Paris et passait l’été dans la maison que Demetrios avait achetée à Naxos. Cette fugue orientale faisait rêver toute la famille.

XII

On connaissait encore assez peu Catherine, la femme de Claude, parce qu’elle n’avait fait partie avant son mariage qui datait de janvier vingt-huit, d’aucun des petits dans qui composaient le milieu des Rosenthal : son père était chirurgien des Hôpitaux, elle avait vécu parmi ces médecins qui s’occupent des beaux-arts et de littérature, qui soignent les grippes, les crises de foie des écrivains et paraissent ne consentir que par surcroît à guérir le commun des malades. Les hasards des dimanches nautiques au printemps sur le bassin de Meulan où se font beaucoup de mariages avaient réuni cette jeune fille et Claude Rosenthal, qui allait faire de la voile en Seine avec de jeunes boursiers : c’était un monde encore démodé