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sième jour à Rosenthal ce qu’il avait déjà copié : il était allé mettre la lettre à la poste avenue des Champs-Élysées. Le soir du troisième jour, la porte du bureau s’ouvrit. Simon qui avait oublié de s’enfermer repoussa sa chaise et se mit au garde à vous. Le commandant Sartre qui avait oublié ses gants au bureau le matin venait d’entrer. Simon avait vraiment l’air plus coupable qu’il n’eût fallu : le commandant qui n’avait pourtant pas le sens des visages n’arriva pas à s’y tromper, il regarda autour de lui en sentant qu’il se passait quelque chose et aperçut la porte ouverte de l’armoire des secrets.

Ce qui troubla le plus les officiers de Simon, ce fut de ne point apercevoir les raisons qui avaient pu le pousser à copier des documents secrets. Le chef de bataillon avait fait coucher Simon en prison le soir même : cette décision donnait au commandement le temps de la réflexion. Un ouvrier, on l’eut sur le champ soupçonné d’espionnage et de liaisons romanesques avec l’Allemagne ou avec Moscou. Mais Simon ? Le lieutenant-colonel de Lesmaes qui avait appris l’aventure de son ancien secrétaire, demandait au commandant :

— Mais enfin expliquez-moi donc, commandant, quel intérêt un jeune homme du milieu de Simon, un ancien élève de l’École des Chartes, qui, nous le savons, ne s’est jamais occupé de politique, pouvait trouver au plan de protection de Paris !

Le chef de bataillon levait les bras et disait :

— Cette histoire me dépasse, mon colonel. Je n’en ai pas la moindre idée.

Simon dans sa prison régimentaire attendait qu’on l’interrogeât : il se sentait revenu à l’âge du lycée, se voyait questionné par un colonel proviseur, un chef de bataillon censeur, stupéfaits qu’un si bon élève eût provoqué un scandale. Il pensait que les gens se font des idées bien primitives d’un homme et que son acte devait leur paraître obscur parce qu’il ne se rattachait pas à la notion qu’un officier de carrière peut former d’un soldat bien élevé. On l’interrogea enfin : le colonel avait l’air beaucoup plus embarrassé que lui. Quand on lui demanda :