Page:Europe, revue mensuelle, No 190, 1938-10-15.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— D’ailleurs, dit-il, que peut-il t’arriver ? Les risques sont infiniment faibles.

— Enfin, soit, répondit Simon, nous verrons bien.

Ils convinrent de quelques moyens pratiques de transmettre les renseignements que Simon obtiendrait : Simon devait aller mettre ses lettres à la poste dans un quartier éloigné de Port-Royal et taper les adresses à la machine… Il se leva pour partir.

— Voilà un but dans ta vie, dit Rosenthal.

— Oh ! un but… répondit Simon. N’exagérons rien. À peine un prétexte, et encore…

Le plan de protection de la 2e zone de Paris était enfermé dans une petite armoire de bois blanc assez semblable à celle où les internes enferment dans les dortoirs des lycées leurs chemises, leurs brosses et les lettres qui viennent de leurs mères et de leurs sœurs et dont ils laissent entendre qu’elles viennent d’une femme. Le caractère familier de cette boîte peinte en gris accrochée au mur chocolat enlevait toute espèce de sérieux aux documents confidentiels qu’elle devait protéger ; un cadenas de cuivre à quatre lettres défendait seul la porte : cette fermeture puérile caractérise assez bien les secrets de l’ordre militaire.

Après sa visite avenue Mozart, Simon attendit encore trois jours en se disant que les exploits que l’amitié de Rosenthal exigeait de lui étaient décidément un peu théâtraux pour son goût. Comme il était après tout le fils de son père, il pensa modestement à ses chances de succès et à son avenir, détruit peut-être s’il était pris, à la prison, au conseil de guerre ; il se vit arrêté, interrogé, pris par la machine inexplicable de la justice militaire et de procès dont il ne sortirait jamais. Il ne doutait pourtant pas que cette entreprise illégale ne fût légitime et même noble, bien qu’elle lui parût incertaine dans ses résultats et indigne de passionner un homme comme elle faisait Rosenthal. Après tout, ce n’est qu’un jeu de l’esprit, se dit-il, pour se rassurer et se persuader qu’il ne se passerait rien. Il était bien de son âge : il n’arrivait pas à croire que les actions de jeunesse pussent entraîner des conséquences.

Le troisième jour, quand, à la fin de la journée, il se