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problèmes pratiques lui paraissaient plus difficiles à résoudre que celui de ses rapports avec les domestiques de ses parents, qu’il ne savait comment nommer. Simon, qui ne doutait plus de lui-même depuis l’aventure de Gladys regardait la femme de chambre. Pendant cette courte scène, Rosenthal eut le temps de se dire que la négligence morale où Simon s’oubliait favorisait peut-être ses projets et qu’en effet un homme abandonné doit souhaiter se reprendre. La femme de chambre sortit.

— T’es-tu demandé, dit Rosenthal, pourquoi j’avais insisté pour que tu ailles à Port-Royal ?

— Absolument pas, répondit Simon. J’ai regardé ton insistance comme un service dont je te sais gré. J’avais fait une demande, tu me connais, je n’aurais plus bougé.

— Je ne rends jamais de services, dit Bernard.

— Quelquefois, dit doucement Simon. Malgré toi.

Rosenthal expliqua à Simon les raisons métaphysiques, le sens et le mécanisme de la Conspiration ; Simon écoutait et pensait que toute cette hardiesse était excessivement vaine, et quand Bernard lui déclara qu’il lui réservait un rôle au cœur même de l’affaire et le chargeait en somme d’inaugurer la Conspiration, André sentit qu’il n’avait aucune envie d’agir seul pour une révolution qui, décrite par Rosenthal, paraissait bien mythique, et qui ne le passionnait pas. Il répondit qu’il ne voulait pas se mêler à cette aventure et Rosenthal eut alors recours à des arguments de femme qui faisaient appel à l’amitié, à la fidélité, au souvenir, et qui défiaient Simon de refuser. Simon s’entêta à se défendre et ajouta que cette histoire lui semblait enfantine et parfaitement absurde, mais au bout d’une heure, il céda quand Rosenthal eut mis le débat sur un terrain insultant :

— Si tu ne veux nous suivre ni par principe, ni par amitié, c’est que tu as peur. Est-ce que tu serais lâche ?

Simon se dit qu’il ne pourrait souffrir l’idée d’être discrédité aux yeux de Bernard et se jeta à l’eau. Rosenthal, qui se réjouissait moins de voir son Idée commencer à se réaliser et à commander des gestes réels à quelqu’un que d’avoir une fois de plus imposé l’un de ses désirs, rassura son ami :