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nait. Il paraît que ce n’était pas une de ces ambitions qu’on ne puisse satisfaire. Ne me remerciez pas, j’ai les témoignages écrits de reconnaissance en horreur. J’irai vous voir. Après neuf heures du soir, puisque vous le souhaitez. À bientôt.


Philippe Laforgue à Bernard Rosenthal
Paris, le 9 avril 1929.
Mon Vieux Rosen,

C’est réglé. Simon ira à Port-Royal. Je suis arrivé hier soir à Paris et je pense que nous vous verrons bientôt. Rien n’est simple comme le début d’une Grande Conspiration. À toi.

VIII

André Simon était un jeune homme assez faible. Il était le fils de grands commerçants nantais qui élevaient admirablement leurs enfants, mais qui avaient fini par ne plus respecter que l’Esprit, sans penser que cette vénération saugrenue pour les activités les moins intéressées de la vie gâtait tout et qu’elle n’était que le signe de leur décadence marchande et d’une mauvaise conscience bourgeoise dont ils ne soupçonnaient encore rien. Ils avaient bien des excuses : jamais les valeurs de commerce et de considération ne s’étaient plus fortement attachées aux écrivains, aux artistes, aux diplomates, à tous les créateurs d’alibis.

Ce garçon bien doué, qui se serait sans doute accommodé de diriger les achats et les ventes de la maison de soieries de son père, rue Crébillon, en se consolant de n’avoir guère au-dessus de lui que les armateurs du boulevard Delorme et les grands courtiers maritimes de la Fosse, était entré à l’École des Chartes. Quelle aventure !

Il y a peu de mouvements sociaux plus singuliers que le destin de quelques grandes maisons de Nantes dans les années qui suivirent la guerre : la déviation qui entraîne Simon hors des chemins du commerce vers les petites curiosités de la Diplomatique pousse au même moment des jeunes gens de