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se dit qu’il lui fallait arracher complètement Catherine à son mari, que c’était même son seul devoir.

À table, au déjeuner, Claude parla d’aller l’après-midi aux courses de Dieppe.

— La réunion a l’air convenable, dit-il. C’est le jour du Grand Steeple, ça ne vaudra évidemment pas Auteuil ou Deauville, mais les chevaux ne sont pas mauvais dans ces courses provinciales.

— Si nous poussions jusqu’à Deauville ? dit M. Plessis.

— Vous croyez que c’est bien indiqué par cette chaleur ? demanda Claude. Et vous savez qu’il doit y avoir cent cinquante ou deux cents kilomètres par Rouen, nous arriverions pour la dernière course.

— D’ailleurs, les routes sont impossibles le dimanche, dit Mme Plessis. À présent que tout le monde roule voiture !

Claude dit à Bernard :

— Tu en seras ? À moins que ces divertissements capitalistes ne soient en contradiction avec les exigences de la révolution ?

Comment abandonner Catherine dans on ne sait quel espace ensoleillé et noir ?

— Imbécile, répondit Bernard. J’irai.

M. Rosenthal dit :

— Serait-ce le commencement des infidélités aux principes ?

— Tu es extraordinaire, dit Bernard. On croirait que les révolutionnaires sont tous des curés. Vous vous étonnez d’un communiste qui prend un bain comme d’un prêtre qui fume un cigare ! Ces pièges sont enfantins.

Mme Rosenthal sourit : Bernard allait aux courses, il ne se fâchait pas. Comme on faisait une heureuse famille !

Un peu avant le départ, Bernard aperçut Catherine qui se mettait du rouge, seule dans le grand salon. Il entra et alla vers elle :

— Comment a été ton mari cette nuit ? dit-il.

— Affreux, dit Catherine, en fermant les yeux.

C’était une réponse qui laissait assez entendre tout ce que Bernard devait craindre : il respira pourtant, comme s’il acceptait que son frère eût exercé son métier de mari