Page:Europe, revue mensuelle, No 171, 1937-03-15.djvu/22

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depuis des semaines. Pas d’excursion, ce matin, de visite, de longs repas en perspective ; point de paroles à prononcer, de sourires à donner ; et pas même un ami (G… et S… sont repartis avant-hier). Seul. Avec le désir de me concentrer, me retrouver, et presque celui d’écrire.

Quoi écrire ? J’ai relu ces quelques pages consacrées à mon voyage depuis Londres. Peu de choses, mais ce peu me rappelle certains états. Puis-je employer mieux encore ce jour de liberté, et, bien que ne me quitte jamais la pensée qu’il est vain d’écrire, du moins puis-je écrire un moment afin de me reprendre.

J’écrirai peu sur ce voyage. S’il le faut, à mon retour, ce sera avec autant de difficulté que lorsque je revins de Tchécoslovaquie parce que les paysages ne se décrivent pas ; que les sensations, les émotions restent personnelles et ne peuvent, si besoin est, qu’enrichir — et lentement, mystérieusement — un romancier. Quant à parler de l’U. R. S. S. en professionnel, avec des chiffres, exemples, comparaisons, je ne le puis, ne le veux, d’autres que moi s’en chargent, ou s’en chargeront. Ce n’est pas que, par des moyens qui me sont propres, je ne puisse porter quelques jugements sérieux sur ce pays, l’intelligence de ses chefs, l’effort de ses habitants. Quant à parler de la doctrine, du système, il n’en est pas question ; entre plusieurs qui sont proposés aux hommes, entre fascisme et communisme, je n’hésite pas, j’ai choisi le communisme, et quelles que soient les réserves que puisse m’inspirer ce voyage, je m’en tiens fermement à mon choix.

Je me suis relu. Je n’ai rien dit, tout reste à dire, et cependant j’ai presque le sentiment d’être au bout de mon désir d’écrire. Il n’en est heureusement rien. Je n’écris parfois, sur certains sujets (ce voyage par exemple) que contraint ; cela m’arrivera peut-être, mais du moins pas dans ce carnet. Un désir différent