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JOURNAL INTIME


Voici les pages du journal intime qu’Eugène Dabit écrivit au cours de son voyage en U. R. S. S.

D’accord avec Roger Martin du Gard, nous n’avons supprimé que des passages de caractère strictement intimes.

Tout ce qu’il a pu écrire sur la Russie est là.

On sent que c’est à travers l’obsession de la guerre, les angoisses de la mort que ces notes ont été rédigées.

Il a pour ainsi dire enregistré son approche, il l’a sentie peser sur lui, dès son départ.

C’est pour cela que ces pages ont un caractère si particulier.

béatrice dabit.


20 juin 1936.

Déchiré deux pages de ce carnet. Parce que l’écriture m’en déplaisait. Idiot. Mais j’ai cédé à ma manie (la seule fois, du reste). Rue P…-de-K… Le dernier jour. Je traîne, je traîne ma vie et mon passé. Je n’ai pas le désir d’écrire. Rien. Le départ, un voyage pour mettre fin à cet état. Y mettre fin, ce n’est pas sûr. Tout croule, hors certain sens de vivre, et le travail. Amour, gloire, beauté, jeunesse, ah ! tout ça, des cendres. À quoi m’accrocher ? que sera demain ma vie, la vie ? Elle ne me semble parfois plus possible. Et cependant, je vivrai, je crois. Et le désire.

Je ne puis rien écrire sur ce départ. C’est, à la fois, trop facile et trop lourd à remuer.