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Dix-huitième
arrondissement


JE suis né à Paris. Aussi loin que je remonte dans mon passé, je retrouve l’image de maisons charbonneuses, de monuments sévères ; et dans mes souvenirs s’étendent des rues froides, des boulevards bruyants mais sans vraie gaieté, des paysages de la zone cernés de murs et de palissades.

D’abord, nous habitâmes rue du Mont-Cenis. Du premier étage d’une maison lézardée et insalubre comme une vieille ferme, je voyais le chemin de fer de ceinture rouler dans une tranchée ; au-delà, les talus verdâtres des fortifications et de grands arbres. Chaque jour, l’après-midi, ma mère m’emmenait vers cette banlieue. Nous passions devant la gare Ornano, provinciale ; franchissions la porte de Clignancourt où j’avais peur des gabelous ; et la plaine de Saint-Denis s’ouvrait, que je ne quittais plus des yeux jusqu’au soir. Parfois, nous entrions dans une épicerie ; maman y achetait à bon prix un demi-litre de pétrole, un demi-litre d’huile, une livre de sel, qu’elle rapportait sans avoir à payer aucun droit d’octroi.

Nous déménageâmes. Nous allâmes habiter rue