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THÉSÉE.

Tu as écouté l’audace, au lieu de la prudence ?


ADRASTE.

Erreur qui a perdu bien des chefs d’armée ! Mais, ô le plus vaillant des Grecs, roi d’Athènes, ce n’est pas sans rougir que je tombe à tes pieds, que j’embrasse tes genoux, moi, couvert de cheveux blancs, roi jadis fortuné : mais la nécessité me fait plier sous le malheur. Dérobe ces morts aux outrages, prends pitié de mes maux, et de ces mères infortunées, privées de leurs fils, condamnées à vieillir dans l’abandon. Elles ont eu le courage de venir en ces lieux, et, malgré le poids des années qui les accable, de se rendre péniblement sur une terre étrangère, non pour célébrer les mystères de Cérès, mais pour enfermer dans la tombe ceux dont les mains devaient leur rendre à elles-mêmes ce dernier devoir. Il est sage à l’homme fortuné d’envisager la pauvreté, et au pauvre d’observer les riches et de les imiter, pour prendre à son tour le goût des richesses ; à ceux qui n’ont pas éprouvé le malheur, de contempler le sort des misérables : et le poète, lorsqu’il enfante des vers, doit les enfanter dans la joie ; autrement, comment serait-il capable, s’il se tourmente lui-même, de charmer les autres ? Cela même n’est pas juste. Peut-être diras-tu : « Pourquoi, laissant de côté la terre de Pélops, imposes-tu cette tâche à Athènes ? » Il est juste de répondre à cette question. Sparte est cruelle, et de caractère artificieux ; les autres cités sont petites et sans force ; la