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lée ; mais je les ai apportés de la terre de Sparte ; Ménélas, mon père, me les a donnés avec une dot magnifique : j’ai donc le droit de parler librement. Telle est donc la réponse que j’ai à vous faire[1]. Et toi, esclave et captive, tu voudrais me chasser de ce palais, pour y être maîtresse ; tu me rends par tes maléfices odieuse à mon époux, et tu as frappé mon sein de stérilité. L’esprit des femmes de l’Asie est habile dans ces arts funestes ; mais je réprimerai ton audace. Ni la demeure de la Néréide, ni ce temple, ni cet autel, ne te protégeront ; mais tu mourras. Et si quelqu’un des mortels ou des dieux veut sauver tes jours, il te faudra, au lieu de cet ancien orgueil si hautain, prendre des sentiments plus humbles, trembler, tomber à mes genoux, balayer ma maison, répandre des vases d’or la rosée d’Achéloüs[2], et connaître où tu es : car il n’y a plus ici ni Hector, ni Priam, ni opulence, mais une ville grecque. Malheureuse, tu en viens à ce point d’égarement, d’oser entrer dans le lit de celui dont le père a tué ton époux, et avoir des enfants d’un meurtrier ! Telles sont les mœurs des Barbares : le père couche avec la fille, le fils avec la mère, le frère avec la sœur ; les plus chers amis s’entre-égorgent ; la loi ne défend aucun de ces crimes. Mais ne t’avise pas de les introduire chez nous : il n’est pas honnête qu’un seul homme tienne deux femmes sous ses lois[3] ; mais celui-là doit se contenter d’une seule compagne, qui veut avoir une maison bien gouvernée.

  1. Ceci semble indiquer qu’il y a une lacune et qu’il manque quelques vers. Sans doute le Chœur avait dit quelques mots, qui amenaient la réponse d’Hermione.
  2. C’est-à-dire de l’eau. Cette périphrase pompeuse, pour dire arroser les appartements, peut sembler assez étrange, immédiatement après un mot des plus vulgaires, balayer.
  3. Littéralement : « Tienne les rênes de deux femmes. »