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 entre toutes, et ses torts ne sont pas moindres que les nôtres. — Telles sont les raisons que me dicte la simple justice : mais toi, écoute ce que j’attends de ta part, en retour de mes bienfaits. Tu prenais ma main, dis-tu, tu étais à mes pieds dans la posture d’un suppliant (13) ; eh bien, c’est moi qui embrasse ici les tiens ; c’est moi qui te supplie, et qui implore de toi la grâce que tu me demandais alors. N’arrache point ma fille de mes bras, ne la faites point périr ; c’est bien assez de morts. Par elle j’ai encore quelque joie, et j’oublie mes malheurs ; seule elle adoucit le regret de tant de pertes cruelles ; elle est ma patrie, ma nourrice, mon guide, l’appui de ma vieillesse. Il ne faut pas que les souverains donnent des ordres injustes ; qu’ils ne pensent pas que leur prospérité soit inaltérable. Moi-même j’étais autrefois ; à présent je ne suis plus. Tout mon bonheur, un jour me l’a ravi. O toi que je supplie (14), respecte ma vieillesse, aie pitié de moi : retourne vers l’armée des Grecs, représente-leur combien il est odieux d’égorger des femmes que vous avez épargnées d’abord, en les arrachant au pied des autels, et dont vous avez eu pitié. Chez vous, la loi qui punit le meurtre est égale pour l’homme libre et pour l’esclave. Lors même que I’éloquence te manquerait, ton autorité entraînera les suffrages : le même discours dans la bouche d’un homme obscur, ou dans celle d’un homme respecté, a une valeur bien différente (