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les enfants reçoivent dans la famille. C’est en effet une coutume assez suivie de fiancer les jeunes gens dès l’enfance. On leur rappelle souvent les engagements pris en leur nom ; on les leur fait accepter et aimer. Bien des années avant d’être marié, le jeune homme se sent marié. Dès lors, la vie n’a plus pour lui ce but vague, indéterminé, lointain, qu’elle présente à peine aux enfants des autres civilisations ; il est précis, présent ; sa pensée s’en pénètre et s’en éclaire. Tout ce qui l’entoure en reçoit une valeur que rien autre ne pourrait lui donner. C’est ainsi qu’il apprend la vie réelle avec ses devoirs, ses dévouements, ses responsabilités et aussi ses joies. Pour la jeune fille, aucune de ces inquiétudes, de ces tristesses, aucune de ces défaillances qui l’accablent dans les autres civilisations, et, trop souvent, la livrent sans défense à toutes les tentations. Voilà comment, en Chine, l’enfant apprend à apprendre. Il faut dire aussi qu’après avoir éveillé son intelligence au sens réel des choses, on se garde bien d’en contrarier ou d’en paralyser les efforts par des enseignements mensongers. Rien ne doit servir de prétexte à lui déguiser la vérité dès qu’il est en état de la comprendre. Il résulte de cette façon de concevoir l’éducation due aux enfants une précocité de jugement qui étonne souvent l’Européen, mais qui ne paraît nullement choquante et que, dans certaines circonstances sérieuses, on ne peut s’empêcher d’admirer. Cette précocité de jugement n’exclut d’ailleurs aucun des charmes de l’enfance et de la jeunesse. Les