Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cation incessante. Dans quelle religion, dans quelle civilisation pourrait-on trouver de plus puissantes sollicitations au progrès, à l’effort ? Ce n’est plus l’aspiration vague d’une conscience aveugle ; ce n’est plus le rêve incarné, puéril et commode du salut de tous par un seul ; ce n’est plus le mythe du dieu mort et ressuscité des religions de l’Inde, de l’Égypte et de la Syrie ; c’est la virile affirmation de l’homme responsable de son salut et le faisant lui-même, de l’homme victorieux de la mort et de l’oubli ; c’est la perpétuelle résurrection de l’humanité elle-même, consciente de ses efforts et de ses destinées. Et, pour l’esprit, quel calme et quel repos ! Voilà comment l’institution familiale devient une véritable religion qui, pour n’avoir que la terre en vue, n’est assurément pas sans grandeur, sans que, d’ailleurs, elle porte atteinte au culte plus général et plus élevé qui unit la créature au créateur, dont j’aurai à parler plus tard.

Pour le Chinois, il importe que nous ne l’ignorions pas, il n’y a pas de pénalité plus terrible que l’exclusion de sa communauté familiale ; aucune ne frappe autant son imagination. Que deviendrait son âme si son nom était maudit des siens ? Pour se délivrer d’un tel cauchemar, il est prêt à tous les sacrifices, même à celui de la vie. J’insiste sur ce point. Chassé du foyer domestique, il ira, confondu dans les foules des ports de mer, se livrer aux travaux les plus pénibles, vivre comme il pourra, se soumettre volontairement aux privations les plus extrêmes. Il engagera sa liberté et on le verra sur les plages