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II


Beaucoup d’Européens croient que la Chine est, par excellence, le pays du despotisme. Or je demande ce que peut être un despotisme qui, pour plus de 500 millions d’êtres, ne s’exerce qu’au moyen de 25 à 30,000 fonctionnaires ; qui, pour se soutenir, n’a qu’une armée permanente d’une centaine de mille Tartares, quasi perdus au milieu d’une pareille fourmilière ? En réalité, les Chinois se gouvernent et s’administrent eux-mêmes : dans la famille, par tous les membres de la famille ; dans la cité, par les délégués qu’ils ont élus, et dont les fonctionnaires officiels ne sont, pour ainsi dire, que les présidents. Et notez qu’ils ne se gênent pas pour renvoyer ces présidents quand ils ont à s’en plaindre, ce qu’ils font du reste d’une façon assez originale. Dans un des départements les plus populeux d’une province que j’ai visitée, on annonce un jour la prochaine, arrivée d’un préfet qui, partout où il avait été, n’avait laissé qu’une mauvaise réputation. On le savait. Le peuple s’émeut, le Conseil du département se réunit, et l’on envoie au vice-roi adresses sur adresses pour le prier de revenir sur son malencontreux choix. Mais le vice-roi s’obstine et l’on apprend bientôt que le préfet n’est qu’à quelques lieues de la ville. Le Conseil s’assemble de nouveau ; il fait dresser à l’entrée de la cité une tente