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misère, mais qui, en immobilisant une très petite partie du sol entre les mains de celui qui l’a une fois acquise par son travail, en empêche le retour à la grande propriété ; si l’on rappelle enfin les extrêmes facilités laissées à la mobilisation du reste du sol, de façon à en simplifier la transmission, le morcellement et, par conséquent, l’accès, il me semble impossible que l’on ne voie pas dans toutes ces institutions autant de précautions contre la grande propriété en faveur de la petite[1].

En ce qui concerne l’emploi de l’eau, l’intention du législateur se manifeste assez par l’établissement du plus gigantesque et du plus admirable système d’irrigation

  1. Les Chinois n’ont donc jamais pensé que la grande propriété pût être utile et rendre des services, même à titre transitoire. On dirait, au contraire, que la préoccupation constante de leurs législateurs a été de les préserver de la grande propriété qui, une fois autorisée, pouvait constituer un danger permanent. Elle a pourtant existé chez eux ; mais il faut remarquer que, quelle qu’en ait été la durée, elle n’a jamais été qu’un accident destiné à disparaître naturellement, au milieu des lois et des institutions dont je viens de rappeler le souvenir. Du reste, s’il fallait une preuve de plus, on pourrait citer le Japon qui, dans les grandes lignes de sa civilisation, a toujours suivi la Chine, de loin, mais exactement. La grande propriété, en effet, n’y a jamais existé. Plutôt que de la souffrir, on a laissé en friches et en forêts les parties du territoire que l’insuffisance de la population n’a pas permis de cultiver, et les habitants ont été concentrés sur dés espaces déterminés dont chaque famille a occupé un petit lot où elle n’a fait que de la petite culture à la manière chinoise. le reste, mis en réserve entre le ; mains de l’État, daïmois ou mikado, attend les générations futures. Les Japonais estiment qu’ils n’y perdent rien, au contraire, la petite culture rapportant plus en produit brut et en produit net que ne rapporterait la culture extensive appliquée à tout le territoire.