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mois après la guerre que nous lui avions faite et le traité que nous lui avions imposé. Je dus, pendant quelque temps, souffrir, de la part des fonctionnaires chinois, d’une sorte de surveillance qui, si déguisée qu’elle fût, me gênait beaucoup. Mais lorsqu’on la jugea inutile, c’est-à-dire lorsqu’on fut bien persuadé du caractère inoffensif de la mission que je remplissais, et que l’on autorisa mes lointaines explorations des provinces limitrophes du Thibet, savez-vous, lecteur, comment on traitait l’humble auteur des pages que vous lisez ? J’ose à peine la dire. Quelle est, parmi les plus belles et les plus hautes prérogatives de la souveraineté, celle que vous envieriez le plus ? Le droit de grâce, n’est-il pas vrai ? Eh bien, je l’avais. Dès mon entrée dans une ville, l’autorité des fonctionnaires disparaissait devant le rang que l’on m’avait gracieusement conféré. Ils continuaient à rendre la justice, à administrer ; mais c’était en mon nom, et au sortir de la maison dont on avait fait ma demeure, je trouvais les condamnés de la veille pour lesquels j’obtenais, tantôt une grâce entière, tantôt une diminution de peine. Mais au souvenir de ces honneurs, combien je préfère celui des simples et bonnes réceptions, de l’hospitalité humble et tranquille que je rencontrais dans les villages et dans les hameaux ! Souvent, descendus de nos palanquins ou de notre bateau, laissant derrière nous nos bagages, auxquels nous donnions rendez-vous à la station prochaine, nous nous enfoncions, seuls, par les petits sentiers