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bords relevés. — Les saluts d’usage terminés, je les conduisis au canapé où je les priai de s’asseoir, en désignant la place d’honneur au plus âgé ; mais ils s’y refusèrent absolument. Je dus me contenter de leur offrir deux chaises ; j’en pris une troisième et m’assis à côté d’eux, résistant à mon tour à leurs protestations et m’éloignant des places qu’ils avaient déclinées. Enfin, après un nouveau salut, la conversation s’engagea. « Je n’ai pas voulu, me dit le plus âgé, laisser à mon fils l’honneur de vous apporter seul le thé qu’il vous avait promis, et j’ai pensé que le vieux monsieur me pardonnerait d’être venu. » Je l’assurai que j’étais enchanté. « Seulement, reprit-il, quand mon fils Po-Y a fait cette promesse, il ignorait que notre récolte était vendue depuis le matin, de sorte que nous n’avons plus à offrir au vieux monsieur que du thé de notre réserve, celui que nous gardons pour les amis », ajouta-t-il timidement. Je le remerciai vivement d’un cadeau offert d’une façon si délicate, et l’entretien prit son tour ordinaire. Je le complimentai sur la beauté de son pays. Il s’inclina. « Oserai-je demander au vieux monsieur quel est son heureux âge ? — Je n’ai que trente-six ans, monsieur. — Oh ! je vous en aurais bien donné le double[1]. a Je m’inclinai à mon tour. « Et vous, mon frère aîné, quel est le nombre de vos années fleuries ? — Je n’ai que

  1. Grand compliment en Chine, « Y môjo sin, jen mo jokou » dit le proverbe. Traduction : « Dans le vêtement, ce que l’on prise, c’est la nouveauté ; chez l’homme, c’est le grand âge. »