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lettré, avec qui j’en causai, s’en étonnait beaucoup. « Je ne connais pas, me dit-il, l’organisation sociale de l’Europe ; mais, chez nous, les emprunts publics sont absolument impossibles. Nous ne connaissons pas le prêt à intérêt perpétuel. On se prête entre particuliers, sans intérêts si l’on est amis, à 30 p. 100 si l’on est étrangers, mais seulement pendant trois ans. Au bout de ce temps, on rembourse le capital si l’on peut, quand on le peut et même, jusqu’à un certain point, si on le veut. S’il est prouvé que l’on ait été cupide ou de mauvaise foi, on ne trouve plus à emprunter. Il n’y a guère d’autre pénalité. Les lois contre l’usurier sont très sévères ; elles fléchissent en faveur du débiteur. A qui le gouvernement pourrait-il emprunter à un intérêt si élevé et à de pareilles conditions, et comment servirait-il cet intérêt, puisque l’impôt est fixe ? Et puis, quels seraient les prêteurs ? Il n’y a pas d’oisifs. Chacun fait lui-même valoir ses fonds et en retire ainsi un profit plus grand que celui que l’État pourrait lui payer. Si les grands emprunts sont en usage en Occident, ajoutait le lettré, il est évident que la terre et l’épargne sont concentrées entre les mains d’un petit nombre de personnes, incapables de les mettre en œuvre elles-mêmes. Mais cette réflexion m’inquiète. Elle m’en suggère d’autres qui me font douter, je ne vous le cache pas, que la justice soit la loi de l’Occident. Peut-être aussi ne vois-je pas bien clair dans ma pensée. J’ai répondu, d’ailleurs, autant que