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rières, dresse des remparts, construit des forteresses et, d’étranger, il devient un ennemi. Il oublie que la terre n’est à personne et que l’homme n’en a l’usufruit qu’à la condition de la cultiver lui-même. La grande propriété, qu’on ne peut exploiter qu’au moyen de la grande culture, engendre la servitude, arrête la population et la détruit[1]. Et puis, quand on n’est plus d’accord sur les principes, et que les cœurs cessent de s’entendre, les bouches cessent de parler la même langue. D’où vient, monsieur, qu’issus de la même souche, tant de peuples sont maintenant ennemis ? »

Ainsi disaient mes amis, et pendant qu’ils parlaient, l’histoire des colonies européennes dans le monde entier me revenait à l’esprit. Je ne pouvais m’empêcher de songer aux injustices qu’elles avaient coûté, aux victimes qu’elles avaient faites, au sang qu’elles avaient fait verser. Mais, libres de s’approprier les dépouilles de ceux qu’elles suppriment, restent-elles, du moins, unies à leur pays natal ? Non. Les unes, longtemps rivées au joug de la mère patrie, s’en détachent un jour avec violence, imaginent des frontières, établissent des douanes, lèvent des armées, et

  1. A quelques lieues de Paris, sur la route de Senlis à Mortefontaine, on rencontre un village de trente-quatre maisons, Neuf-Moulins, complètement abandonné. Les terres de ce village ont été rattachées en majeure partie à l’ancien domaine seigneurial qui appartient à M"" G... et sont aujourd’hui en prairies.