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continent. C’étaient, pour le gouvernement, des points stratégiques où il entretenait des flottilles de surveillance, et voilà tout. Pourquoi cette défense ? Je ne l’ai su que fort tard. On me disait d’abord que c’était pour éviter des frais d’administration ; mais les Chinois se passent si facilement d’administration que cette réponse n’avait évidemment qu’un but : se débarrasser d’un questionneur profane et importun. On me dit ensuite que, d’après une croyance populaire, les âmes ne quittent point le sol qu’elles ont habité vivantes, de sorte que s’exposer à mourir sur une autre terre que celle des aïeux, c’est en même temps courir le risque de ne jamais être réuni à la famille éternelle. Cette explication était peut-être meilleure, mais elle ne me satisfaisait pas entièrement. Rien, en effet, n’eût été plus facile aux Chinois de Chusan que de faire rapporter leur corps en Chine, ainsi que le font ceux de San-Francisco, afin de forcer l’âme à le suivre et à réintégrer le domicile des ancêtres. Et puis, c’est affaire de goût, non de gouvernement. La vérité, je l’appris un jour en causant du gen avec « quelques amis chinois. « Oui, l’on rompt l’unité de l’humanité, en mettant entre soi et celle dans laquelle on est né des espaces inconnus. La rupture est peut-être éternelle, mais elle est immédiate. Seul, au milieu des contrées incultes qu’il vient de parcourir, l’émigré dit : « Ceci est à moi », et il est, dès ce moment, en dehors de l’humanité. Il élève des bar-