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la plupart des Européens et des Indous faisaient paître ensemble leurs bestiaus, il y a cinq ou sis mille ans, le mariage par achat dans toute sa crudité était la règle générale et que le pris moyen d’une épouse était de deus bœufs blancs, somme peu considérable pour des pasteurs. Certains peuples de notre race n’y ont pas encore renoncé. Les paysans grands-russiens vendent toujours leurs filles à leurs gendres et, il n’y a pas bien longtemps, la valeur matrimoniale d’une femme dans le gouvernement de Jaroslaw ne s’élevait pas à plus de 40 roubles[1]. Les autres Aryens ont abandonné plus tôt cette coutume. Ainsi, la transformation s’est faite, il y a près de 3000 ans, en Grèce et dans l’Inde. Aus temps homériques, les Grecs trouvaient encore tout naturel de trafiquer de leurs filles. Elles devaient être άλφεσίβοιαι, c’est-à-dire rapporter des bœufs, et elles en rapportaient parfois beaucoup. Un des bardes de l’Iliade[2] nous raconte qu’un héros, Iphidamas, paya sa femme cent bœufs et mille chèvres et moutons, ce que le vieus poète a l’air de trouver vraiment trop cher, sans quoi il ne nous l’aurait pas dit. Mais le progrès fut rapide : La coutume fut bientôt que le père devait rendre les cadeaus offerts par le fiancé et le mot ἕδνα, qui désignait à l’origine ce pris de la femme, devint par la suite le nom de la dot.

Notre jeu wallon est maintenant éclairci. À l’époque où l’on achetait les femmes, les enfants ont joué au mariage par achat. La coutume a disparu ; le jeu est resté, photographie encore bien nette d’une demande en mariage à l’époque, en somme assez récente, où depuis l’Islande jusqu’à la plaine du Gange, la femme était vendue par son père au mari dont elle devenait l’esclave.

  1. Cp. Léopold von Schroeder die Hochzeitgebräuche der Esten 26 d’après un ouvrage antérieur à 1865.
  2. 11, 244.