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plus hardi des guerriers le pria de lui faire présent des deus tomawacs qu’il portait sur la tête[1].

La conclusion, c’est que les sauvages sont de grands enfants et qu’en un sens, les gamins de Liége sont de petits sauvages. Est-ce à dire qu’ils pensent aujourdhui : 1° que les hannetons aiment le pain rôti ; 2° qu’il suffit de leur en promettre pour les faire venir ? Non pas. Mais au fort vieus temps passé, les enfants ont dû certainement le croire ; car, sans cela, ils n’auraient jamais eu l’idée de le dire. Or, c’est d’un très vieus temps passé que vient, plus ou moins transformée, toute la littérature enfantine.

Il n’est donc pas indifférent de recueillir une petite rime comme Abalow, viné dlé mi. C’est un des mille faits qui peuvent nous permettre de saisir comment l’intelligence se développe dans l’individu et dans l’espèce. L’inévitable tendance des enfants et des sauvages à « animifier » toutes les réalités de la nature est la racine profonde des végétations superstitieuses. Si l’homme n’avait pas cru que le soleil avait une volonté comme la sienne, il ne lui aurait jamais rendu de culte.

Après les formulettes, prenons les jouets et les jeus.

Aujourdhui les petits garçons s’amusent avec de petits chemins de fer ou de petits fusils. Les petites filles jouent à se rendre des visites et à se faire des révérences. Je n’insiste pas : il est banal que les jeus et les jouets inventés de notre temps sont pure et simple imitation enfantine de la vie des grandes personnes. Or, il est bien légitime de croire qu’il en a toujours été ainsi. S’il existe donc des jeus et des jouets qui ne s’expliquent, ni par les mœurs, ni par les armes et les ustensiles de maintenant, on peut a priori admettre comme vraisemblable que ce

  1. Ces trois exemples sont pris à un article de M. Tuchmann dans Mélusine 2, 563-564.