Page:Eugène Monseur - Le folklore wallon, 1892.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxiv

mine renfrognée de colère et de larmes, il lui crie : « méchante chaise. »

Pourquoi ?

Parce qu’il pense que la chaise l’a fait exprès, que la chaise est animée d’une petite volonté toute semblable à la sienne. De même, il parle à tous les animaus, parce qu’il s’imagine que les animaus peuvent le comprendre, qu’ils ont les mêmes passions que lui, qu’ils se décident pour les mêmes motifs.

Aujourdhui l’enfant abandonne très tôt ces manières de sentir. Petit à petit, sous l’influence des personnes plus âgées, son intelligence s’éveille et aperçoit une foule de différences qui ne l’avaient pas frappé d’abord entre la chaise, le chat et lui-même.

Mais il y a eu une époque où les parents n’étaient guère plus avancés que leurs bambins, où les hommes veillissaient sans sortir de l’enfance, et certaines portions de l’humanité, les sauvages ou les peu civilisés de l’Amérique, de l’Afrique et de l’Océanie, en sont encore là. Aussi voyons-nous ces sauvages parler comme nos petits chasseurs de hannetons et, bien plus, agir d’une manière conforme à leurs paroles :

Au Brésil, les femmes des Toupinambas se placent devant l’entrée d’une fourmillière et appèlent les fourmis en leur promettant des noisettes.

Chez les Dakotas, règne cette croyance, que, si l’on tuait un serpent à sonnettes, on serait mordu par tous les autres. Aussi, lorsque l’on en rencontre un, on engage la conversation avec lui, on le prie de négocier la pais entre la tribu et les serpents de sa famille et on lui offre du tabac ou un objet quelconque.

La première fois que des indigènes de la province de Victoria, en Australie, virent un bœuf, la tribu toute entière se rendit auprès de lui, tandis qu’il paissait, et le