Page:Eugène Monseur - Le folklore wallon, 1892.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxii

sont pour nous pleins de charme, tout cela a un frais parfum de campagne, rappèle le beau temps d’enfance et les bonnes grand’mères. On y découvre même je ne sais quelle saveur de terroir, venant de ce que les contes, les usages, etc., au fond à peu près partout les mêmes sur les différents points du globe, ont acquis cependant, grâce aus patois, un certain cachet local qui, au premier abord, fait croire qu’ils sont l’expression du tour d’esprit particulier de telle ou telle province, et ils finissent même en un sens par le devenir, quand on les oppose à la banalité étriquée de notre civilisation de rues toutes droites, d’habits en queue de morue et de chapeaus en tuyau de poêle.

Eh bien ! toutes ces veilles choses, elles sont en train de disparaître, broyées par les machines à vapeur, foudroyées par l’électricité des télégraphes, mises hors la loi par nos codes. Notre système actuel d’instruction populaire, même quand il ne les combat pas ouvertement et avec aigreur, les mine par la base, et pour toujours, en déplaçant la façon de raisonner du peuple. Le vieil Ardenais hirsute, au casque à mèche de toile bleue, contant le soir, dans son cabaret, des fables aus jeunes garçons, devient un personnage de plus en plus rare.

Que de fois, en passant par un village, alors que je demandais, s’il y avait encore des gens qui, à la veillée, al sîz, racontaient des histoires, j’ai obtenu cette réponse : « Oh ! il y avait une vieille femme, fort vieille, qui en savait tant, et tant ; même qu’on disait qu’elle était un peu « makral » ; mais elle est morte l’année passée. »

Il ne faut pas laisser se dissiper, sans en conserver de bribes, le patrimoine intellectuel de ceus qui ne savent pas lire. Dans vingt ans, il sera trop tard, et voilà la raison pour laquelle, partout en Europe, il se crée et des sociétés et des revues dont le but est de recueillir ce qui nous reste de folklore.