Page:Eugène Le Roy - Nicette et Milou, 1901.djvu/139

Cette page a été validée par deux contributeurs.

elle tient encore quelques cheveux rouges arrachés à M. Rudel. Impuissante défense, comme le coup de bec de la poulette enserrée par l’épervier.

Mais ce qu’elle souffre en son pauvre corps froissé, en sa chair mortifiée, n’est rien auprès de sa souffrance morale. Le crime de cette horrible nuit la désespère, non seulement pour elle, mais encore parce qu’il atteint Jean dans ce qu’il a de plus cher. Pauvre Jean ! Que dira-t-il, sachant ceci ? Car de le tromper, elle n’y veut pas songer. Son bonheur envolé, sa vie souillée, elle n’essaiera pas d’enracheter quelques bribes au prix d’un mensonge odieux… D’un mensonge !… Et pourtant il lui faudra sur un point mentir à son ami ! Elle se souvient du moulin ruiné, et comment Jean portait le couteau à la gorge de M. Rudel pour l’avoir seulement saisie au bras. Certainement, s’il sait le crime de son père, il le tuera ; d’ailleurs, il l’a dit en partant à la Guillone :

« Gardez-la bien, ou je tuerai quelqu’un ! »

Et alors, dans son imagination enfiévrée,