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— C’est que, vois-tu, je me suis rappelé tous les crimes, les vols, les pillages et les assassinats des anciens seigneurs de Fontagnac ; que je me suis souvenu des vingt-neuf paysans que Geoffroy VI, cet affreux brigand, fit étouffer avec du soufre dans la Croze des Andrieux. »

Ce qui exaspérait surtout les dévots et particulièrement les prêtres, c’était le mépris dans lequel il tenait tout ce qu’il appelait les « mômeries des calotins » ; c’était la haine qu’il portait à l’esprit dominateur et tyrannique du clergé ; haine qui lui faisait dire parfois à Damase :

— Vois-tu, mon garçon, tant qu’il y aura un prêtre, l’humanité ne sera pas libre !

Le vicaire Turnac, un prêtre habitué appelé Dutour et un ancien jésuite qui résidait dans la paroisse, on ne savait trop pourquoi, rageaient à froid en voyant ce grand vieux rester ferme et debout dans sa foi philosophique, et, à peu près seul, dans la ville, avec sa servante, échapper à leur influence. Des intrigues s’étaient nouées pour l’amener à résipiscence, ou plutôt pour le convertir, selon le langage dévot. L’archiprêtre, sondé à cet égard, avait eu un sourire quelque peu méprisant en répondant à son vicaire :

— Caïus est de la forte race de Quatre-Vingt-Treize, vous ne l’aurez pas !

Nous l’aurons mort, sinon vivant ! dit le jésuite à l’abbé Turnac, qui lui rapportait cette réponse.

Vers le temps où Mme  Boyssier allait se confesser à l’archiprêtre, la vieille Françon tomba malade. Pendant quelques jours, le bonhomme Caïus fit la soupe et soigna sa servante ; mais obligé de s’absenter assez souvent pour aller aux champs ou à sa vigne, il sentit la nécessité d’avoir une femme pour le remplacer. Précisément, une voisine avait, à diverses