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douces caresses, à ces tendres effusions de cœur d’une maîtresse qui l’idolâtrait. Pour y renoncer, il lui eût fallu une hauteur de vertu rare dans un tout jeune homme encore enivré des joies débordantes d’une première liaison. La pauvre femme n’avait pas songé à cette interversion de rôles ; elle n’avait envisagé que la possibilité, bien incertaine, hélas ! de résister aux entraînements de son propre cœur ; mais comment se refuser aux ardentes prières, aux supplications de celui qu’elle aimait passionnément et qui lui demandait le bonheur ?

— Va ! lui dit-elle en l’étreignant, les larmes aux yeux, la première nuit qu’il vint la trouver dans sa chambre, sois heureux et que je sois damnée !

Malgré la bonne contenance de Mme  Boyssier en toute occasion, bientôt, dans la petite ville, grâce aux insinuations fielleuses de l’abbé Turnac et aux bavardages des dames « de la société », comme on disait alors, personne ne douta plus de sa liaison avec Damase. Ce fut pour tout le monde une chose acquise, certaine, démontrée, comme si elle avait été attestée par des témoins dignes de foi. De la ville, cette certitude pénétra au couvent et ce fut encore Liette qui l’y apporta.

Mlle  de La Ralphie et la petite Beaufranc avaient acquis sur ce sujet de l’amour quelques connaissances encore un peu superficielles, peut-être, mais pourtant assez précises sur certains points essentiels pour comprendre toute la portée de la nouvelle. L’indiscrétion de personnes comme Mme  Laugerie, des conversations surprises, les confidences de jeunes filles plus âgées, les leçons de choses qui courent les rues, et, par-dessus tout, cet invincible penchant qui porte la jeunesse à scruter la nature des relations entre les sexes et lui fait quelquefois découvrir, par intui-