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sier était trop pieuse, trop calme pour avoir poussé jusque-là l’oubli de ses devoirs, disaient quelques-unes, avec le secret désir d’être contredites.

Mais la femme du capitaine, qui avait toujours fait l’amour à la hussarde, rejetait bien loin tous ces doutes.

— Voyez-vous, Mesdames, pour les femmes, comme pour les hommes, il y a un temps pour le plaisir : jeunes ou vieilles, il faut que ce temps arrive !

Cette théorie, renouvelée de Rousseau, faisait exclamer ces dames. Toutes, individuellement, protestaient d’un air pincé contre la généralité de l’aphorisme. « Certes, il y avait des personnes délicates de sentiments qui répugnaient aux vilenies de la chair ; des femmes vertueuses qui n’avaient rien à se reprocher… »

— Bah ! ripostait Mme Laugerie avec une franchise soldatesque due au milieu où elle avait vécu, les très laides seules ont quelques chances de rester vertueuses et elles n’y réussissent pas toujours. Quant aux sentiments, c’est très beau, mais on finit toujours par en venir au fait ! Mme Boyssier n’a eu guère d’agrément avec son mari pendant une vingtaine d’années ; elle prend sa revanche maintenant et rattrape le temps perdu : c’était forcé. Moi, je la trouve bien heureuse d’avoir mis la main sur un beau garçon comme celui-là, et, pour dire la vérité, dans sa position, nous ferions comme elle.

Les prudes se pinçaient les lèvres ou se récriaient mais, quelques-unes, plus franches, éclataient de rire :

— Oh ! cette Mme Laugerie !

Pendant que les dames de Fontagnac épiloguaient sur son cas, Mme Boyssier, dans la droiture de son cœur, s’efforçait de tenir loyalement la promesse qu’elle avait faite à l’archiprêtre de chasser ses cou-