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nés brillaient d’un éclat fiévreux ; sa physionomie, douce d’habitude, maintenant dure et sombre, prenait parfois des expressions violentes où se reflétaient les désirs qui l’assaillaient. Chaque jour elle s’essayait, — timidement, car ses pensées seules étaient hardies, — à éclairer Damase sur ses sentiments. Elle ne demandait pas grand’chose, non pas une parole, non pas un signe ; elle eût été heureuse à moins : ah ! si, par son attitude seulement, il eût marqué qu’il avait pitié de son martyre !

Le jeune homme, quelque inexpérimenté qu’il fût, finit bien par discerner que Mme  Boyssier avait pour lui des sentiments qui n’étaient pas seulement ceux d’une bienveillance affectueuse ; mais, de là, à supposer qu’elle l’aimait d’amour, qu’elle le désirait ardemment et se désolait de sa réserve respectueuse, il y avait loin. Il était trop jeune et trop innocent pour comprendre la violence de la crise qui saisissait la pauvre femme, à ce moment où, prête à entrer dans le déclin de la vie, elle s’apercevait qu’elle n’avait jamais aimé : désespérante pensée rendue plus amère encore par le tardif éveil de ses sens inertes jusqu’alors. Cela pouvait durer longtemps ainsi ; elle le comprit et se résigna dans le secret de son cœur à faire toutes les avances. Mais, de lui avouer sa passion, de vive voix, en plein jour, la honte la retenait. Chaque jour, elle se disait : « cette nuit ! » Mais, la nuit venue, effrayée par l’énormité de l’action qu’elle méditait, elle hésitait, atermoyait, et, vaincue par l’émotion, en différait l’exécution. Elle alla une fois jusqu’à la porte, mais, au moment de sortir de sa chambre, sa vie sans tache lui apparut comme dans un éclair ; elle s’arrêta, et, tombant à genoux, se mit à pleurer.

Par moments, elle craignait de devenir folle. Il