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froid développe chez les femmes. Du haut du pont, les flâneurs contemplaient tranquillement ces parapluies ouverts sur la rivière, de dessous lesquels partaient quelquefois des fusées de rire ; et, à la sortie de l’eau ils faisaient des remarques et des comparaisons sur les formes que les robes mouillées accusaient hardiment.

Les hommes, eux, se baignaient un peu en amont de la ville, en pleine eau, dans un endroit où la rive était bordée d’un petit bois qui donnait de l’ombre, et où la berge rocheuse, assez élevée, permettait aux amateurs de piquer leur tête. Les gens de loisir allaient au bain vers quatre heures de l’après-midi ; mais ceux qui avaient des occupations s’y rendaient le soir, tard, ou de grand matin. En ces temps de simplicité, le vulgaire caleçon était inconnu des baigneurs, sauf de ceux de quatre heures, et la municipalité de Fontagnac professait, à cet endroit, une tolérance justifiée par la distance du lieu et les heures de la baignade. Aujourd’hui, il n’en va pas de même, il faut un caleçon à toute heure, et, bientôt, il faudra un maillot : ainsi va ce qu’on est convenu d’appeler le progrès.

Un matin, à l’aube, Mme  Boyssier entendant Damase se lever et sortir de sa chambre, sauta de son lit et courut à la fenêtre d’où elle aperçut le clerc se diriger vers le Bois-Comtal. Le sang afflua soudain à ses tempes, et, les yeux attachés sur le massif de verdure qui laissait vaguement entrevoir le sous-bois, par une trouée, elle attendit. Mais, en raison de l’éloignement et de l’ombre des arbres, elle ne distingua rien. Toute la journée, elle resta muette, presque farouche, sous la morsure d’un désir grandissant. Damase s’étant absenté un moment, elle alla fouiller dans les tiroirs de l’étude et finit par y trouver une