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s’efforçait de pénétrer jusqu’au fond de son cœur.

La nuit, Mme Boyssier écoutait les moindres bruits qui se produisaient dans la chambre de Damase. Brûlée par la fièvre de l’insomnie, elle se retournait et s’agitait sur son lit, troublée par des désirs qu’elle n’osait s’avouer. Cette pauvre femme, jusque-là d’une chasteté qui confinait à la froideur, était obsédée par les visions de l’amour charnel et se désolait, dans son honnêteté native, de ne pouvoir les chasser. Non pas qu’elle eût le ferme propos de renoncer à son amour, mais il lui paraissait moins coupable de céder à l’impulsion de son cœur qu’à celle de ses sens. Par moments, il lui semblait qu’elle mourrait de honte si le jeune homme pénétrait ses secrètes pensées, et, cependant, combien elle lui aurait su gré de deviner la passion qui la dévorait et de lui épargner l’humiliation d’un aveu ! Mais il n’en était rien. Quoique étonné de certaines choses et surpris de la manière d’être de sa patronne avec lui, Damase n’allait pas plus avant et ne faisait pas de ces suppositions avantageuses, assez coutumières aux jeunes hommes. Eût-il connu, d’ailleurs, les sentiments de Mme Boyssier, que sa nature loyale eût répugné à trahir la confiance du notaire.

On était alors au mois de juillet ; c’était la saison des bains. À Fontagnac, les femmes se baignaient ordinairement en pleine traversée de la ville, et, des « ruettes » avoisinant la Vézère, on voyait déboucher, dans l’après-midi, les bourgeoises, les artisanes, vêtues de vieilles robes usées. Elles s’asseyaient dans l’eau jusqu’au cou, et, abritées du soleil par leurs parapluies, réunies par petits groupes formés par les sympathies et les relations sociales, elles jacassaient avec cette loquacité un peu bruyante et que le bain