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Damase, en se haussant à son niveau, avait achevé d’effacer le sentiment pénible qu’elle avait d’abord éprouvé. Elle lui était même reconnaissante de pouvoir s’avouer son amour sans rougir. Les dames de sa connaissance, et particulièrement Mme  Laugerie, qui choisissait jadis pour son époux des ordonnances bien carrés d’épaules et robustes, avaient beau faire des allusions à la bassesse d’inclination de certaines femmes qui aimaient leurs serviteurs, elle n’y prenait plus garde. Damase avait grandi dans son esprit comme dans son cœur, tellement que le petit domestique dépenaillé, venu un soir de Guersac, avait totalement disparu de sa pensée. Elle ne voyait plus que le beau jeune homme dont la personne, l’intelligence et le caractère, pouvaient faire honneur à une femme, quelle qu’elle fût.

Ce fut une chose charmante, pour Mme  Boyssier, que l’introduction du clerc dans l’intimité des deux époux. À table, elle recevait avec délices ces petits soins, ces attentions de circonstance, que Damase lui rendait, sans l’avoir jamais appris, par une politesse naturelle qui la ravissait en ce qu’elle l’inspirait. Le notaire avait l’habitude de lire son journal en déjeunant, de sorte que la conversation s’établissait entre Mme  Boyssier et le clerc, d’abord sur les petits incidents de la vie à Fontagnac et les nouvelles du pays. Elle aimait à interroger le jeune homme ; il lui semblait doux d’apprendre quelque chose de lui. Ses réponses, toujours sensées et bien formulées, la remplissaient d’aise. Puis, Damase sortait de ce cercle étroit de la vie de petite ville et abordait des questions plus générales, des sujets plus intéressants. Alors, elle s’élançait avec lui dans un monde de l’esprit qui lui était à peu près inconnu, heureuse de se laisser guider. Damase avait beaucoup lu. Non seu-