Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

profiter de l’occasion, il avait usé et abusé de son stratagème habituel et caressé fréquemment la bouteille à long col qui laissait couler lentement l’eau-de-vie en émettant toute une gamme de glous-glous. Rentré à l’étude, où l’attendaient des clients pour une liquidation assez épineuse, M. Branchu ne retrouva pas sa netteté ordinaire de vue et sa facilité de rédaction. La contention d’esprit qu’il se donna pour surmonter cette défaillance eut un effet tout contraire, et, un instant après, il se renversa sur le fauteuil en battant l’air de ses bras.

Le docteur, appelé, lui donna les premiers soins sur place, puis le fit transporter à son domicile et s’efforça de le rappeler à la vie. Mais tout fut inutile, et, le surlendemain, le vieux clerc fut porté en terre.

— Je le lui avais prédit, mais il n’a jamais voulu m’écouter ! disait, dans un groupe, M. Bernadet en allant au cimetière.

Et, comme il était célibataire, le lendemain il ne fut plus question de ce pauvre M. Branchu.

Cet événement améliora singulièrement la situation de Damase. M. Boyssier, confiant dans son intelligence, son ardeur au travail et l’aptitude dont il avait donné des preuves, lui laissa la succession du défunt clerc. Avec quelques conseils, grâce à son application, le jeune homme se tira d’affaire à la satisfaction de son patron. Depuis quelque temps déjà, il ne s’agissait plus pour lui de soigner la jument et de cultiver le jardin : un petit domestique l’avait remplacé dans cet office et occupait la mansarde où il avait brûlé tant de chandelles dans ses nuits de veilles studieuses. Lui, était installé dans une jolie chambrette, au-dessus de la chambre de Mme Boyssier, et il mangeait à sa table. La mort de M. Branchu et le nouvel emploi de Damase justifiaient assez ces