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beau dans sa nudité, elle frissonnait, comme hallucinée, croyant apercevoir, dans la pénombre, l’image de Damase, et replongeait sa tête dans ses mains.

Cinq ou six fois par an, aux bonnes fêtes, Mme  Boyssier communiait, et, pendant quelques jours, avant et après ses dévotions, elle s’efforçait de chasser le jeune homme de sa pensée et d’innocenter l’intérêt qu’elle lui portait par d’involontaires sophismes de sa conscience alarmée. Comme elle était sincère et droite, elle ne se faisait pas longtemps illusion sur ce point. Alors, comme pour s’affirmer à elle-même sa volonté de vaincre le penchant irrésistible qui l’entraînait vers Damase, elle fuyait les occasions de le voir, et, au lieu de saisir le moment où il était à l’étude pour y aller sous un prétexte quelconque, elle n’y paraissait pas de la journée. Mais c’était en vain qu’elle s’imposait ce pénible sacrifice ; l’image du jeune homme, fixée dans son cerveau avec une intensité obsédante, l’entraînait invinciblement vers lui. Aussi, après avoir résisté, lutté, le surlendemain, vaincue, elle allait, avec un battement de cœur, lui porter une plume à tailler ou lui demander une feuille de papier à lettre.

Un accident, survenu à M. Branchu, vint bientôt rendre sa situation plus difficile.

L’estimable premier clerc était un « disciple fervent de Bacchus », comme on disait encore à Fontagnac, en ce temps-là. Très intelligent et ferré sur le droit, il donnait aux paysans, dans les auberges et les cafés de la ville, des consultations largement arrosées. Du reste, très brave homme, étouffant les procès entre la poire et le fromage et ne prenant pas d’autres honoraires que ceux perçus en nature. Il est vrai que pour l’ouiller, selon l’expression locale, il fallait une notable quantité de victuailles et de li-