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— Mets-toi là, vers le feu, va, dans un moment la Toinon te fera souper.

Le soir, à table, Mme  Boyssier dit à son mari :

— Il est tout nu, ce garçon ; il va falloir le vêtir des pieds à la tête et lui faire faire des chemises… Je me demande comment, à Guersac, on pouvait le laisser dénué de tout, comme cela !

— À la campagne, on n’y fait pas attention, dit le notaire ; et puis, il n’y a pas de dame au château pour veiller à ces choses-là : mais, fais-le habiller comme tu l’entendras.

Certes, Mme  Boyssier était une excellente femme, charitable pour les pauvres, et, sans doute aucun, son nouveau domestique eût été homme d’âge et laid, qu’elle eût agi de même. Cependant, outre ce sentiment général de compassion pour son prochain, la femme du notaire éprouvait quelque secrète douceur à réparer envers ce beau garçon les torts de la fortune. Dès le lendemain, un tailleur fut mandé, et, après qu’il eût pris les mesures, Mme  Boyssier sortit acheter les étoffes nécessaires et de la toile pour faire des chemises. Damase fut chez le cordonnier, qui lui fit des souliers ; on lui acheta un chapeau pour le dimanche ; enfin, il fut équipé comme le comportait sa condition.

Lui était très reconnaissant à Mme  Boyssier de sa sollicitude, et, comme il était dans sa nature de payer de retour, autant qu’il le pouvait, le bien qu’on lui faisait, il s’efforçait de lui complaire en tout, ainsi qu’à M. Boyssier. Il n’y avait pas jusqu’à la Toinon qui ne se ressentit de ses bonnes dispositions pour une maison où il avait été si bien accueilli, et il avait pour elle de ces petites prévenances qui le faisaient bien venir de la vieille servante dont l’humeur n’était pourtant pas très égale.