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de ferveur délirante pour le Dieu qu’elle allait recevoir ; sentiments assez fréquents parmi les jeunes filles, pour lesquelles Jésus est le premier amant — le premier mari, si l’on veut. — Elle se préparait à cette cérémonie sans enthousiasme ; elle accomplissait un rite obligatoire, un devoir, tout au plus. Dans le langage dévot, le Christ étant le divin époux, on peut dire qu’elle ne faisait pas un mariage d’amour avec son Dieu, mais un simple mariage de convenance.

Le jour de la cérémonie, M. de La Ralphie et toute la maisonnée de Guersac étaient à l’église, à l’exception de Mentillou, chargé de garder le logis. Damase était là aussi, et, lorsqu’il vit sa demoiselle avec des souliers de satin, des gants de soie, tout en blanc sous ses longs voiles flottants, sérieuse, aisée de maintien, elle lui parut grandie et comme devenue femme. Il éprouvait une grande douceur à la contempler, à suivre tous ses mouvements. Tant que dura la messe, il resta là, absorbé, étranger à tout ce qui n’était pas elle. Il aurait voulu lui renouveler l’assurance de son dévouement, lui redire qu’il se ferait couper en morceaux pour elle.

Mais il ne la revit pas ce jour-là, et, le lendemain, de grand matin, il lui fallut repartir pour Guersac.

Depuis le départ de sa jeune demoiselle, il était tout désorienté, le pauvre Damase, et inquiet comme un chien qui a perdu son maître. Jusque-là, sa principale occupation avait été de veiller sur elle, de faire ses volontés, de satisfaire ses caprices, et il se trouvait désœuvré. En travaillant au jardin, en pansant les bêtes à l’écurie, en soignant les chiens au chenil, il se remémorait le temps où chaque jour il la menait au Prieuré et les mille petits incidents de ces courses quotidiennes lui donnaient des regrets. Sa seule consolation était de prendre un soin tout particulier des