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vicaire de la paroisse et aumônier du couvent, venait leur faire des instructions. La petite Beaufranc, avec sa nature expansive et croyante, entrait dans des extases enfantines en entendant le vicaire paraphraser, sur des modes divers, le bonheur de la créature s’unissant avec son créateur. À mesure que le jour approchait, elle se sentait comme transportée dans un monde supérieur, angélique, où la seule occupation était d’aimer Dieu. Valérie, plus sérieuse, nullement mystique, ressentait moins vivement le bonheur qui transfigurait son amie, et elle restait calme en songeant à sa première union avec le divin époux. Sa raison plus développée, n’était pas anéantie, mais plutôt choquée par ce mystère, et, quelquefois même, son esprit avait : des velléités de révolte. L’abbé Turnac, d’ailleurs, lui déplaisait infiniment, et ce n’était pas pour elle une mince souffrance que de l’avoir pour confesseur. Jamais elle ne put se résoudre à l’appeler en confession : « Mon père » ; il fallait que, chaque fois, l’abbé la reprît à cet égard. Les sentiments qu’inspirait le vicaire à Valérie n’étaient pas ceux de la plupart des dames et demoiselles de Fontagnac qui en raffolaient. C’était un assez joli garçon, grassouillet, un peu poupin avec des traits réguliers, mais communs, des cheveux châtains, bouclés et des yeux bruns qui eussent été beaux s’ils avaient été francs. L’abbé passait pour avoir distingué, dans le troupeau des dévotes qui soupiraient en pensant à lui, Mme  Gascq, riche rentière, et Mlle  Falguerie, qui fréquentaient son confessionnal à des heures et dans des conditions qui faisaient ressembler ces visites pieuses à des rendez-vous profanes.

L’antipathie que ressentait la jeune demoiselle de La Ralphie pour l’abbé Turnac ne faisait pas de lui l’intermédiaire capable de lui inspirer des sentiments