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cane pour apercevoir la superbe jeune fille à la beauté capiteuse, dont l’altière contenance corrigeait ce que cette beauté avait de trop provocant. Et cette vierge magnifique, en qui la vie et l’intelligence débordaient, cette fille fière, noble et belle, était maintenant une femelle dégradée qui n’avait plus rien d’humain. Quelle force avait donc ce terrible dissolvant qu’elle portait dans son sang ! Et quelles pensées corrosives avaient fait de cette créature d’élite une chose sans nom, un haillon vivant où la pire animalité s’affirmait dans toute son horreur !

À ce moment, comme le voyageur arrêté sur le bord d’un précipice par la main du guide, le vicomte de Massaut eut la sensation d’avoir échappé à un immense danger. S’il eût été agréé, lorsque le commandeur avait porté sa demande à Guersac, quelle eût été sa vie avec une femme de ce tempérament ? La force de volonté qu’elle avait montrée en s’emmurant à l’abri de toute occasion de chute vulgaire se fut-elle manifestée de même dans la vie sociale, au milieu des séductions et des corruptions mondaines ? Épouvantable aléa !

Guy le comprenait maintenant, il y avait en Valérie une fatalité native, un monstrueux développement des instincts charnels, fait d’atavisme dû au sang libidineux de Louis XV, son bisaïeul. À travers les siècles, elle était de la race de ces terribles femelles qui ont épouvanté leur temps : Messaline, la louve romaine ; Frédégonde, la criminelle franque ; Isabeau de Bavière, la « grande gorre » ; Catherine I, proclamée par Byron, « la plus grande des souveraines et des catins » ; oui ! et placée au-dessus de la foule, dans l’ivresse de la toute-puissance, elle eût sans doute été dissolue, peut-être jusqu’au crime, comme celles-ci !