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marcherait très bien à pied. La nouveauté lui souriait : il lui semblait bon de s’en aller comme cela, avec ses jambes, tout ainsi que les gens de par là, sans craindre la fatigue. Il fallut lui céder. Damase prit un bâton solide derrière la porte et ils partirent. Arrivés dans la plaine, à un endroit où le chemin passait au pied de rochers à pic, tout près de la rivière, le jeune garçon vit venir à trente pas, la tête basse, la gueule baveuse, l’œil sanglant, la queue pendante, un de ces chiens qu’on appelle dans le pays labris, peut-être parce que cette espèce, actuellement sans caractère, vient originairement de la Brie. Aussitôt, il prit Valérie dans ses bras et la porta derrière un buisson :

— C’est un chien fou, demoiselle, ne bougez pas de là !

Puis, ayant ramassé son bâton, Damase s’avança sur le chemin pour arrêter l’animal. Lorsque le chien l’aperçut, il courut sur lui, mais le jeune garçon, avec un sang-froid au-dessus de son âge, lui enfonça vigoureusement son bâton dans la gueule. La douleur fit reculer la bête et Damase profita de cet instant pour lui asséner sur la tête un violent coup du houx noueux qui l’étourdit. Puis, ayant redoublé, il finit par l’assommer. Le chien, étendu à terre, cherchant à se relever, Damase prit une lourde pierre et la laissa retomber de toute sa hauteur sur la tête du chien qu’elle écrasa. Alors, les yeux brillants, les narines gonflées, il courut vers la petite :

— Oh ! demoiselle ! dit-il en se mettant à genoux devant elle, il est mort le chien, vous ne risquez plus rien !

Et les larmes lui venaient aux yeux en songeant au danger qu’elle avait couru. L’enfant, pâle, émue, la gorge serrée, lui donna ses mains, et lui les baisait,