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savoir s’y résigner. Le gros mot de mésalliance effraie, mais, lorsqu’on y réfléchit bien, on ne tarde pas à comprendre que ces riches alliances roturières, loin de nuire à la noblesse, sont, au contraire, son salut. Et, quand je dis que c’est une nécessité du temps, je me trompe : c’est une nécessité de tous les temps. Toujours, la noblesse ruinée a recherché les riches héritières bourgeoises. Les filles de la haute finance, et aussi de la plus véreuse, sont entrées dans les plus grandes familles de France. L’histoire de la noblesse est pleine de ces mésalliances dorées ; il n’y a guère de maisons illustres qui y aient échappé. Je pourrais vous citer beaucoup d’exemples, je n’aurais que l’embarras du choix. Je me bornerai à ma famille qui, sans être illustre, est de bonne noblesse ; eh bien ! mon grand-père avait épousé la fille d’un vitrier… Ainsi, mon cher, ne craignez pas de vous enfariner.

Après quelques jours de réflexion, Guy, sentant la force des exhortations de son parent, se laissa présenter à la famille Carselade.

Grâce au prestige de son titre et de ses fonctions, le vicomte de Massaut fut reçu dans la maison de l’ancien meunier comme un dieu. Le père, la mère et une vieille tante étaient dans le ravissement de voir leur fille et nièce devenir d’abord Mme  la vicomtesse de Massaut, incessamment Mme  la sous-préfète, et, plus tard, Mme  la préfète. Aux séductions nobiliaires, le secrétaire général joignait celles de fonctions distinguées dans le monde de l’Empire ; c’en était trop pour ces bourgeois, assotis de vanité. Aussitôt qu’il ouvrait la bouche, il était approuvé, ou plutôt applaudi. Ses moindres paroles étaient recueillies comme des oracles. S’il manifestait très modestement une opinion en matière de modes, de musique et autres choses mondaines, aussitôt des arrange-