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— Nous n’avons pas besoin d’agneaux… Il faudra faire vendre cette bête par le garde, à la prochaine foire de Sarlat.

Ensuite, le gros mâtin, armé d’un collier de pointes qui gardait les brebis des loups, fut envoyé à Guersac et remplacé par une chienne des Pyrénées qui y était.

Quant aux pigeons mâles qui roucoulaient sur les toitures du château, ils avaient été systématiquement fusillés par Mlle de la Ralphie.

Malgré les soins qu’elle prenait d’éviter les hommes, lorsqu’elle courait les bois, il lui arrivait parfois de faire des rencontres fortuites. C’était un charbonnier allant à ses fourneaux, ou un muletier suivant ses bêtes dans un sentier, ou quelque braconnier sortant d’un fourré, bien fort marri d’être vu. Ces rencontres l’irritaient : elle se figurait que ces pauvres gens se trouvaient sur son chemin avec intention.

Un jour, cherchant une bécasse qu’elle avait tuée, elle se trouva près d’un de ces petits chantiers de feuillardiers où l’ouvrier travaille souvent seul sous un abri de perches repliées, recouvert de copeaux et de ripes. C’était dans un fonceau caché, au plus épais des halliers. L’homme, un grand fort garçon, faisait des cercles de barrique qu’il arrondissait sur son chevalet et plaçait ensuite dans une sorte de moule fait de piquets plantés en terre. Oyant venir quelqu’un, il s’arrêta et la reconnut :

— Ah ! c’est vous, demoiselle ! alors, voici votre oiseau !

Et, la tenant par le bec, il montrait la bécasse. qui était tombée près de lui.

Mais l’idée de se trouver dans ce lieu perdu, seule avec ce grand diable, tout dépoitraillé, qui riait en découvrant ses dents blanches, la remua jusqu’au