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de la vie organique qu’elle réprimait, s’accumulaient en elle, exaspérées.

Ses facultés intellectuelles se ressentirent de cet état. Elle devint fantasque, bizarre, et, peu à peu, par un singulier phénomène d’interversion morale, elle en vint à haïr l’ « homme », quel qu’il fût, le sexe mâle pris en masse, l’être masculin, qu’elle appétait avec une ardeur non pareille et dont la privation la torturait. Elle lui en voulait de la faire souffrir. Cela commença par des étrangetés. D’abord, elle refusa de voir son garde venu un jour lui parler d’une coupe à faire, et ne voulut communiquer avec ce vieux à tête chenue que par l’intermédiaire de la Martille. Plus tard, le piéton qui venait, de loin en loin, porter une lettre de M. Boyssier, relative à ses affaires, fut consigné à la porte et dut glisser ses missives par la meurtrière à hauteur d’homme destinée à surveiller l’entrée. Lui, point ivrogne comme son collègue qui desservait Guersac, se consola aisément de la chopine de vin que lui servait la Géraude, chaque fois, en recevant en échange une pièce de dix sous qu’elle lui passait par la même voie, d’ordre de la demoiselle.

Des hommes, cette haine s’étendit aux bêtes mâles. Le coq fut impitoyablement sacrifié, malgré les représentations de la Géraude.

— Mais notre demoiselle, il faut un coq pour mener les poules.

— Elles se mèneront toutes seules ! Tu n’as pas d’homme, ni moi non plus, et nous nous en passons bien !

Après le coq, ce fut le bélier du troupeau qui paissait dans les pacages autour du château.

— Mais il faut un « mouton de semence » pour avoir des agneaux ! s’écria la grande fille.