Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gers physiques, chutes ou accidents quelconques ; d’où, à chaque départ, ses recommandations à Damase. Heureusement, celui-ci était aussi innocent que la petite demoiselle, et ses réponses aux questions, parfois embarrassantes, qu’elle lui faisait, se résumaient, en ce cas, en un naïf aveu d’ignorance. Tous les sentiments qu’éveillait en lui la compagnie de cette fillette déjà grande, et la bienveillance, un peu fière toutefois qu’elle lui témoignait, se résolvaient en un dévouement dont il lui avait donné la formule ingénue, en disant qu’il se ferait couper en morceaux pour elle. Ce dévouement se manifestait par une sollicitude intelligente et par une perpétuelle attention à lui complaire en tout, en satisfaisant ses petits caprices et ses fantaisies d’enfant.

Un jour, comme elle avait exprimé le désir d’avoir une de ces corneilles qui s’apprivoisent aisément, Damase était descendu en dénicher dans les rochers en aval de Guersac. M. de La Ralphie, se promenant là par hasard avec sa fille, vit une corde attachée à un arbre et pendant sur la rivière, dans le vide. Il se demandait ce que cela voulait dire ; lorsque Damase remonta à grand’peine en s’aidant de la corde. La petite fut saisie de frayeur à l’idée du danger, et, quand Damase tira de sa poitrine deux jeunes corneilles qu’il lui présenta, elle le regarda, émue, et eut l’intuition obscure d’un sentiment puissant et inconnu qui faisait braver à ce paysan adolescent un danger sérieux pour satisfaire un de ses caprices.

Mais ceci n’était rien. Quelque temps après, il arriva qu’un matin, au moment de partir pour le Prieuré, la bourrique de Valérie se trouva boiteuse. M. de La Ralphie voulait faire conduire sa fille sur sa jument que Damase aurait menée par la bride ; mais la petite ne le voulut pas et déclara qu’elle