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soutenait contre ses désirs et l’énergie qu’elle déployait pour les dompter, avaient leur répercussion fatale sur son pauvre corps.

Aussi, deux ans après sa venue à Canteloube, Mlle de La Ralphie n’était déjà plus la femme superbe d’autrefois. La flamme intérieure qui la brûlait consumait peu à peu cette chair, jadis fraîche et débordante de vie. Elle maigrissait, « s’écoulait », comme disait la Géraude désolée. Sa gorge sculpturale s’affaissait maintenant, la saillie des os s’accusait aux épaules par des salières, et, aux flancs, par le cercle des côtes. Ses hanches, qu’on eût dit taillées en plein marbre, se décharnaient et ses jambes de déesse antique s’effilaient.

Elle-même s’en apercevait ; elle voyait bien qu’elle se tuait à faire ainsi, mais sa volonté pour cela ne fléchissait pas. La hauteur du but qu’elle s’était proposé était toujours devant ses yeux et la soutenait contre les intimes révoltes de tout son être. La fausseté des théories du défunt commandeur de Lussac, qui faisait de la liberté dans les amours une sorte de privilège de la noblesse, lui était clairement apparue, et elle se refusait à une vie d’aventures banales et de liaisons vulgaires, comme indigne d’elle. Par-dessus tout, elle redoutait cette insatiabilité de sensations nouvelles, cette recherche progressive de la pire luxure et cette terrible attraction du vice qu’amène l’habitude du plaisir sans amour ; toutes choses qui font descendre par degrés dans la honte et l’infamie. Une sorte d’exaltation orgueilleuse la confirmait dans sa résolution, à cette constatation qu’elle avait vaincu jusqu’ici. Pourtant, une chose l’épouvantait : dans son corps fatigué, macéré, affaibli, la concupiscence était toujours vivace et tyrannique comme si les manifestations