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brebis aux loups, qui n’avait peur de rien, sauf du diable et des revenants ; cette paysanne, rude et fruste, avait pour Mlle de La Ralphie une affection humble et dévouée, ardente jusqu’à l’exaltation. Jamais elle n’était plus heureuse que lorsque la Martille s’en allait à Guersac, parce qu’alors elle la remplaçait près de sa maîtresse qu’elle faisait parfois sourire par ses naïvetés. La première fois qu’après avoir monté lestement quelques seaux d’eau du puits, la Géraude la vit prête à entrer dans la baignoire, debout, relevant ses cheveux sur sa nuque, elle s’écria, en joignant les mains, comme en adoration devant cet admirable corps :

— Ô demoiselle ! que vous êtes « brave » !

Une autre fois, agenouillée devant le lit où Valérie était assise au sortir du bain et tenant dans ses fortes mains les pieds menus de sa maîtresse, après les avoir essuyés, elle dit ingénument :

— Quels mignons petits « penous » !

Et, levant vers elle ses bons yeux de chien fidèle, comme pour lui demander la permission, la pauvre fille les baisa l’un après l’autre avec une sorte de religieuse admiration.

Pourtant, à la longue, malgré son peu d’intelligence, la Géraude finit par comprendre que sa demoiselle avait quelque grosse peine. À mesure qu’elle prenait de la confiance en cette fille dévouée, Valérie se contraignait moins devant elle et la Géraude fut témoin de crises de désespoir qui la faisaient pleurer. Et puis elle s’apercevait bien que la santé de sa maîtresse était fortement ébranlée. Son bel appétit d’autrefois avait disparu ; ses yeux brillants et fiévreux étaient cerclés de bistre comme ceux d’une nonne étouffant aux pieds du Crucifié les révoltes de son cœur et de ses sens. La lutte qu’elle