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Pourtant, il lui venait quelquefois des doutes cruels sur la sagesse de la résolution qu’elle avait prise. Une complexion ardente comme la sienne était-elle compatible avec cette froide continence des femmes aux sens inertes et sans passions ? Pourquoi se torturer toute la vie pour une conception de l’honneur qui n’était peut-être qu’un préjugé ?

Parfois la Martille, voyant les souffrances de sa maîtresse, regrettait d’avoir éconduit l’abbé Sagnol, la dernière fois qu’il était venu à Guersac. Aux précautions que prenait Mlle  de La Ralphie, au soin qu’elle avait eu de fuir l’occasion de revoir le vicaire, la chambrière comprenait ce qui serait infailliblement arrivé alors et ce qui arriverait encore, si le hasard le mettait en présence de celle qu’il avait troublée si profondément. Son attachement pour sa demoiselle lui suggérait parfois la pensée d’aider le hasard ; mais elle hésitait, redoutant les conséquences possibles de son initiative.

Un matin qu’à propos des frais de l’enterrement de Mentillou qu’elle était allée payer au curé Turnac, il avait été question de son vicaire, la Martille prit, après beaucoup d’excuses préliminaires, la hardiesse de sonder sa maîtresse sur ce point.

— Si l’abbé Sagnol se présentait un jour ici, est-ce qu’il faudrait encore le renvoyer ?

Valérie, qui était encore au lit, eut un soupir tranchant et ses yeux brillèrent.

— Pourquoi me demandes-tu cela ? dit-elle après un silence.

— C’est que ça me fait peine de vous voir si malheureuse !

— Je t’en sais gré, mais qu’il ne soit plus question de lui.